La couverture rouge gît sur le canapé. On entend les chiens des voisins aboyer. Alex ne les aime pas.
– N’aie pas peur! Il veut juste jouer avec toi, lui avait appris la Voisine pendant que Chien-Petit s’aggripait à son mollet en le griffant à travers le pantalon.
Alex n’avait rien dit, il n’y avait rien à dire en fait. Il savait depuis un bon moment déjà, que les gens sans peur de chiens ne pourraient pas comprendre. Heureusement, Chien-Grand avait tiré par sa laisse en aboyant et la Voisine avait oublié Alex.
– Wouf – wouf!
Il les a laissé tous – la Voisine, Chien-Petit et Chien-Grand – devant un buisson plein de moineaux.
Aujourd’hui Alex est seul à la maison. Il a sept ans et il est resté seul à la maison pour la première fois. Il en est très fier, mais il est aussi un peu inquiet. Car il connaît bien l’histoire des sept chevreaux. Alex sait qu’il n’a pas le droit de toucher à la cuisinière, mais il sait également qu’il est un grand garçon maintenant.
La couverture rouge gît toujours sur le canapé. Près de la fenêtre, les orchidées violettes de maman. Elles ont l’air bizarre avec leurs tiges en l’air, prêtes à attraper les intrus… on dirait des plantes carnivores comme celles dont Tudor lui en avait parlé à l’école.
Maman lui avait laissé la télécommande à portée de main :
– Tu peux regarder des dessins animés si tu t’ennuies, lui avait dit-elle.
Comme si l’ennui serait son plus grand ennemi. Ce n’est pas le cas… ce sont les orchidées qui l’inquiètent!
Le gamin passe son temps à survoler les chaînes de dessins animés ; des personnages stridents et malpolis défilent devant ses yeux. Alex a l’impression qu’ils sortiraient tous de l’écran s’ils le pouvaient.
– Bizarre, se dit le gamin, d’habitude je les adore.
Il entend un bruit près de la porte d’entrée et il éteint la télé. Il a un peu peur. Quand est-ce qu’elle revient, maman?
– Je m’absente pour trente minutes, pas plus, lui avait-elle promis.
Alex sait lire l’heure. Voilà que trente-trois minutes se sont déjà écoulées et maman n’est pas revenue. Le gamin prend un tabouret de la cuisine et le met à côté de la porte. Puis, sans aucun bruit, il monte dessus et regarde par le judas ; il n’y a personne. Pourtant, on entend un léger bruissement suivi par un grognement étrange. Alex a peur. Pourquoi maman ne vient-elle plus et pourquoi l’a-t-elle laissé tout seul?
Le gamin descend du tabouret, le bruissement continue. Alex se blotti sur le canapé, les orchidées violettes l’attaquent, il s’enroule dans la couverture rouge et ferme les yeux.
– J’ai peur!
Les personnages des dessins animés le bousculent, essaient de le mordre et de lui arracher les vêtements. Alex est désespéré, il doit s’échapper! On entend de gros coups dans la porte, le grognement de tout à l’heure est encore plus fort, près de ses oreilles, un immense poids lui écrase la poitrine et, pourtant, le gamin arrive à crier:
– Au secours! Au secours!
Deux bras violets se tendent vers lui, l’attrapent par les épaules et essaient de l’arracher de son nid. Le gamin inspire profondément, prêt à hurler encore plus fort. Il sent sous son coude une sorte de balle en fourrure.
– N’aie pas peur, il veut juste jouer avec toi…
La Voisine serre Alex dans ses bras, Alex serre Chien-Petit dans ses bras à lui.
– Marie est en retard et m’a demandé de passer te voir; apparemment il y a la queue à la pharmacie.
Grand-Chien se balance sur ses grosses pattes près de la porte d’entrée, puis il se prélasse indifféremment sur le sol.
– Wouf – wouf!
La Voisine regarde autour d’elle et, en essayant d’être sympa, lance une question :
– Alex, est-ce que tu aimes les orchidées ?
